Éditeur : Telstar
Année : 1997
Support : Playstation
Le passage à la 3D durant la deuxième partie des années 90 a été souvent dure pour les mascottes du jeu vidéo installées depuis plusieurs années : si Mario a réussi un véritable tour de force dans l’industrie avec Super Mario 64, Sonic, Earthworm Jim, Donkey Kong, ou même Megaman n’ont pas forcément eu le droit au même traitement de faveur durant cette période. Des titres bien souvent bugués, n’ayant plus grand chose à voir avec les titres d’époque et trop souvent, une perte de charisme de la licence.
Il y en a même pour qui ce passage raté à la 3D a été fatal : on ne parlera pas d’Alex Kidd qui n’a même pas atteint cette génération, mais d’une mascotte qui n’était pas non plus la plus populaire des années 90, bien qu’ayant eu quelques petits jeux pas trop mal sur SNES et Megadrive : Bubsy. Ca y est, je sens en vous un frisson qui vient de passer, car vous savez exactement de quel épisode je vais parler. Celui qui a hanté les nuits des mains des joueurs qui ont eu le privilège à l’époque d’y jouer sur leur Playstation : Bubsy 3D in Furbitten Planet.
Bubsy 3D in Furbitten Planet est un jeu de plate-forme en 3D sorti sur Playstation en 1997 en Europe (96 pour l’Amérique du Nord). Atterri un peu par hasard sur la planète Rayon, un lynx (même s’il ressemble un peu trop à un chat ici) nommé Bubsy va essayer de rassembler des éléments de fusée et des atomes pour construire un vaisseau spatial, et repartir en direction de la Terre. Il devra tout de même faire attention aux Woolies, menés par leurs deux reines Poly et Esther, qui chercheront à ce qu’il se fasse à nouveau capturé.
Pour parler de ce jeu et le juger, il faut d’abord revenir aux origines de son développement. Ce dernier a commencé en avril 1995, Accolade et Michael Berlyn se sont mis d’accord pour qu’un nouvel épisode de la franchise Bubsy sorte, malgré les mauvais chiffres des deuxième et troisième opus en 2D. Ils se sont également mis d’accord pour que ce soit un jeu de plate-forme en 3D, graphismes et déplacements compris (à une époque où Super Mario 64, la référence du genre dans les années 90, n’est pas encore sorti), avec une équipe qui n’a aucune expérience dans cette nouvelle façon de voir le jeu vidéo. Les développeurs voulaient que Bubsy soit plus mis en avant graphiquement que le reste du jeu et notamment les décors.
Et bien le résultat de ce développement qui n’a pas été simple est calamiteux : les décors sont bel et bien vides de véritables éléments secondaires, il y a quelques dénivelés ça et là, quelques plate-formes suspendues et quelques rares objets avec des interactions pour progresser dans les niveaux. On retrouve quelques items à récolter, histoire de cacher la misère, et quelques ennemis statiques (à peu près tous les mêmes, on verra beaucoup de Woolies cracheurs de pépins au cours des niveaux, seule leur couleur changera) pour ne pas dire qu’il n’y a aucune vie sur cette planète. Et puis ces couleurs… Aucune nuance, on est presque sur des couleurs primaires, de partout, criardes et ne s’accordant pas entre elles. Vous vous souvenez du test de Cosmic Race ? Dites vous que les couleurs d’à peu près tout ce qui est présent dans le jeu sont encore plus mal choisies pour meubler la planète Rayon. La distance d’affichage est ridicule, on se retrouve avec des « décors » qui ne sont plus visibles alors qu’ils sont à peine à vingt mètres… Heureusement que le jeu ne va pas extrêmement vite sinon on risquerait de se faire toucher par un ennemi ou un piège toutes les dix secondes. Le level design des 18 niveaux que compose le jeu est insignifiant, il ne permet aucune identification ou éléments notables d’un niveau par rapport à un autre, on a juste l’impression ou presque de faire le même niveau en boucle, ou que le jeu lui même n’est qu’un énorme niveau. LA seule chose réussie dans ce jeu, ce sont les animations une fois que l’on meurt, en rapport avec le dernier coup pris par notre héros qui a oublié son pantalon mais pas son pull. Un désastre.
S’il y a bien quelque chose d’encore pire que les graphismes dans ce Bubsy 3D, ce sont les musiques et divers éléments sonores du jeu. Si vous avez envie de voir du sang coulé de vos oreilles (je vous conseille de vous mettre devant un miroir, car en l’état, il est dur de regarder ses propres oreilles), je vous conseille de laisser le son de votre télévision lors de vos parties du jeu. Les musiques sont énervantes dès les premières notes, extrêmement répétitives et elles restent graver dans la tête dès la fin du premier niveau… dans le mauvais sens du terme. Et pour en remettre une couche, on entend comme des cris de canard aléatoirement au cours du jeu, comme si c’était le dialecte des Woolies, sauf que c’est tout aussi énervant que la musique ! Aller, pour finir, si vous n’en n’aviez pas encore assez, attention à ne pas tout ramasser au cours des niveaux, notamment les points d’interrogation lors du premier niveau (il y en a moins dans les niveaux suivants), car notre Bubsy deviendra encore plus bavard que Depardieu dans « Tais-toi », en plus d’être complètement inaudible même pour quelqu’un qui maîtrise plutôt bien l’anglais. Donc pour résumé, une musique prise de tête, des bruitages atroces et un héros qui ne tient pas sa langue : imaginez quand vous avez les trois en même temps, et votre ne regretterez pas d’avoir une fonction Mute sur votre écran (ou d’avoir vu dans les options que tout peut être désactivé).
On sent que pour le gameplay du jeu, les développeurs y sont allés un peu à tâtons : certes, la flèche du haut permet d’avancer (avec plus ou moins de précision) et celle du bas reculer, mais pour tourner, il faut limiter s’arrêter ! En vrai, on peut tourner sans s’arrêter de marcher, mais on tourne à peine, et du coup on n’est pas forcément précis. Donc on s’arrête, on tourne trèèèèèèès lentement vers le côté où on veut aller et ensuite on repart. Et le fait que la caméra se déplace en même temps que l’on tourne donne une impression de lenteur et de lourdeur insupportable. Ensuite, X permet de sauter et… attendez, parlons du saut pendant quelques lignes. Le saut est l’une des deux façons que vous avez d’attaquer vos adversaires, avec un lancer d’objets qu’on peut trouver mais que vous oublierez très vite tellement ce n’est pas pratique et peu précis. A chaque fois que vous sauterez, la caméra vous suivra encore une fois, mais cette fois se positionnera au dessus de votre tête, en position ¾ rapprochée. Ce qui aurait pu permettre de bien viser la tête des ennemis pour les éliminer rend finalement la chose bien plus difficile car l’appréciation de distance change d’un coup, et ça peut devenir vite rageant quand il s’agit d’un saut entre des plate-formes difficiles d’accès avec de l’eau ou un quelconque liquide nous faisant perdre la vie juste en dessous. Les gâchettes L1 et R1 permettent de faire des pas de côté, ça peut servir par moment pour être précis (et ne pas tomber), mais au sol ou pas loin d’un ennemi, c’est beaucoup trop lent. En clair : une prise en main lente, lourde et pas bien pensée pour faire de ce jeu une référence en matière de déplacements 3D.
Pour ce qui est de l’histoire de Bubsy 3D, elle fait suite aux précédents épisodes. Après l’invasion de la Terre par Poly et Esther et le vol de toutes les pelotes de laine par ces mêmes personnes, Bubsy a été capturé pour évité qu’il contrecarre leur plan de domination de la planète. Mais ce dernier arrive à s’échapper du vaisseau qui le retenait prisonnier et devait l’amener dans la prison de la planète Rayon, où se trouve les Woolies. Une fois atterri sur la planète, il va chercher à récupérer des atomes et des éléments de fusée. Pourquoi ? Même les scientifiques Woolies ne le savent pas…
… Et quand tu commences avec un speech où même les méchants ne savent pas ce que tu veux faire avec ce que tu dois récupérer dans les niveaux, ça annonce la couleur. Celle du « on te fait ramasser des trucs, mais on ne sait pas exactement où ça va t’amener ». Et rien au cours du jeu ne nous laisse deviner à quoi ça servira exactement de ramasser tous ces atomes (si ce n’est que tous les 100 ramassés, on gagne une vie) ni les deux parties de fusée par niveau. Il faut attendre la fin du dernier niveau pour avoir des éléments de réponses, qui varient en fonction du nombre de parties de vaisseau spatial qu’on a obtenu, et, comme on pouvait s’en douter, elles servent à s’échapper de la planète et revenir sur Terre. Mais le nombre d’éléments trouvés est à prendre en compte : si on ne trouve pas les 32 éléments, la navette va décoller mais va rester bloquer dans l’espace et les Woolies pourront terminer l’invasion de la Terre, alors que si le vaisseau est complété, il ne supportera pas le trop grand nombre d’atomes que Bubsy aura collecté et sera bloqué dans le continuum espace-temps. Et du coup oui, les Woolies envahiront tranquillement notre planète. Tout ça pour ça, merci les gars, ne pas faire le jeu vu que quoi qu’il arrive, la Terre sera envahie, nous aurait épargné une purge manette en main.
La difficulté de Bubsy 3D est croissante, pour celle de base, pas celle liée au gameplay : le premier niveau ne dispose que de quelques ennemis lambda et surtout des phases de plate-forme où il faut être précis (vous avez compris précédemment que ce n’est pas simple), et au fur et à mesure des niveaux, il y aura des variations d’ennemis un peu plus difficiles à battre en plus grand nombre, et plus de pièges à éviter, en plus d’avoir des phases de grimpettes un peu plus complexes. Globalement, il ne devrait pas être trop compliqué d’arriver au bout des seize niveaux que composent le jeu, mais cette raideur dans la prise en main et dans les déplacements rajoutent une bonne couche bien épaisse de difficulté. Heureusement (ou malheureusement, c’est selon si vous voyez ça comme une plaie) qu’on peut ramasser assez aisément des vies avec les atomes au cours des niveaux, on peut emmagasiner un bon petit paquet de vies pour les niveaux où ça se corsent réellement.
Si vous trouvez que les deux premiers niveaux sont très courts, et encore plus si vous les faites en ligne droite, sachez que ça se complique assez rapidement, avec pas mal de niveaux où l’exploration est de mise pour trouver la sortie, avec des passages périlleux en terme de sauts ou d’ennemis à battre/esquiver. Résultat : les seize niveaux du jeu devraient vous tenir deux bonnes heures en strict ligne droite, et donc sans aucun élément de fusée ramassé. Pour avoir la bonne fin (enfin, la fausse bonne fin si vous avez suivi), il faudra faire preuve d’un peu plus de patience et facilement doubler la durée de vie pour les plus habiles, voir rajouter une bonne heure en plus si vous galérez (et vous allez galérer).
Il existe un mode deux joueurs, mais déjà trouver soi-même la motion pour démarrer le jeu, alors qu’une autre personne s’inflige ce calvaire, ça signifie réellement avoir un grain. Et puis un jeu de plate-forme à deux joueurs… Chacun son tour ?
Verdict : moche, pas maniable, inintéressant, insupportable : voilà comment rendre une mascotte, qui déjà n’avait pas connu le succès, totalement infecte et la jeter dans les méandres du jeu vidéo. Sur la boite de Bubsy 3D in Furbitten Planet, on aurait dû marquer « Ci-gît la mascotte 2D ».
bigvilo